Il faut rire avant que d'être heureux, de peur de mourir sans avoir ri. » Ce mot contient toute l'amertume de La Bruyère, il suggère aussi toute sa profondeur et sa tendresse. Timide et solitaire, malchanceux et sans charme, traité comme un valet par les Condé, ses employeurs, ce petit bourgeois parisien se venge par son esprit, sa folie comique, sa terrible lucidité. Dans son livre unique, qu'il couve pendant dix ans, il se déchaîne contre les puissants, les fats, les parvenus, les prétentieux, les snobs. Il a tout observé du spectacle de la rue, de la misère des campagnes et de la vanité de la cour. Ses réflexions, ses portraits et ses éclats de rire sont des traits de vengeance, qui annoncent, avant Diderot, les changements futurs. Et quand ce moraliste en guerre contre sa société rêve sur l'énigme de l'être humain, quand il parle de la solitude, du chagrin, des femmes ou de l'amitié, il est aussi notre contemporain.