Rousseau ne voulait pas qu'un portrait de lui figure en tête de ses oeuvres. Son vrai portrait, le seul qui ne mentirait pas, c'est en lisant ses Confessions qu'on l'aurait sous les yeux : «Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi.» Mais quelle identité assigner à ce moi qui déclare : «Je suis autre» ? Autre que tous les autres, et pourtant leur semblable. Perpétuellement autre que soi, et pourtant toujours même. «Bizarre et singulier assemblage» d'identifications multiples où Narcisse et Caton, Alceste et Céladon, Mentor et le petit Jésus, Socrate et la cigale, Orphée et la fourmi, le rat des villes, celui des champs, le berger extravagant, l'agneau immaculé et le bouc émissaire tiennent tour à tour le devant de la scène, sans nuire pour autant à l'unité d'action, «tant tout se tient, tout est un dans mon caractère». Au lecteur d'en juger.