Adulé par certains, haï par d'autres, Tahar Haddad est-il vraiment connu? Un retour sur l'ensemble de son œuvre, avec ses articles de presse, son premier livre, Les Travailleurs Tunisiens, et ses Pensées posthumes, nous permettra de voir qu'il n'est pas l'auteur du seul Imra'atunâ, et qu'il est porteur d'une pensée cohérente où son célèbre chef-d'œuvre puise son sens. On verra ainsi qu'il a traité successivement des questions nationale, sociale et sociétale à partir d'un positionnement clair : celui de la lutte contre les dominations coloniale, capitaliste et masculine. De ce point de vue, sa pensée est celle d'une émancipation universelle articulant logiquement les luttes d'une nation pour sa souveraineté, celles des classes laborieuses pour leurs droits et leur dignité et celles de la femme musulmane pour l'égalité et la liberté. Aux termes de cette investigation autour de sa pensée, Haddad nous apparaîtra alors non pas simplement comme un Moslih cherchant à réinterpréter le legs religieux pour permettre l'émancipation de la femme en terre d'islam, mais comme un grand intellectuel qui élabore, dans cette Tunisie de l'entre-deux- guerres, les bases d'un projet progressiste global et qui incarne, ce faisant, les débuts d'une gauche proprement tunisienne...