Jamal ed-Din al-HusseiniAL-Afghani / L'appel de la modernité

Aujourd’hui disputes et controverses battent leur plein entre les plus belles plumes des journaux égyptiens, de même que s’élèvent les voies dans les réunions et s’affrontent les opinions des individus et des groupes, à propos de l’occupation étrangère. Chacun défend ses idées et lutte pour que triomphent ses vues, n’obéissant en cela qu’à ce que lui dicte sa conscience et ce qu’il trouve en adéquation avec ces idées, n’ayant d’autre argument ni d’autre preuve que la réfutation ou le rejet de ceux d’autrui. Il s’en est suivi une grande confusion, un recul de la vérité, une inquiétude dans les esprits et une déroute du citoyen égyptien qui ne sait plus quelle voie suivre, ni quel parti prendre. Il est donc du devoir du vrai patriote de se détourner de ces disputes, de se débarrasser de ses intérêts subjectifs ne fût-ce que pour un moment, de mettre provisoirement un terme à la guerre des passions, de tourner son regard du côté d’où vient la lumière de la raison, de la suivre et d’y conduire ceux qui continuent à avoir de l’amour pour la vérité, même si elle est amère. Disons donc : Le premier devoir vers lequel l’homme dirige ses pas, si tant est qu’il tienne à bénéficier de la qualité d’homme, est de jouir de la liberté d’expression, qui est la traduction de la voix de la conscience, et d’écarter les obstacles qui l’en empêchent, sans quoi il se ravalerait à un degré inférieur à celui de l’humanité, voire à celui de l’animalité. Que cette liberté soit quelque chose de magnifique, nous en trouvons un témoignage dans les livres d’histoire qui alignent les noms des martyrs tombés en son honneur. Les âmes nobles continuent encore, à cause d’elle, à s’exposer aux dangers et à courir les risques uniquement pour vivre libres parmi des hommes libres. » Professeur des Universités (Tunis et Clermont-Ferrand), Amor Cherni est un spécialiste d’histoire des sciences et de la philosophie. Il a publié, entre autres, plusieurs études : Buffon, la nature et son histoire (PUF, 1998) Epistémologie de la transparence (Vrin, 1998) Diderot, l’ordre et le devenir (Droz, 2002), De la tyrannie autour de Xénophon (Les Points sur les i, 2015) et toujours chez le même éditeur Penser le sensible (3 tomes, 2016). Par ailleurs, doté d’une connaissance exceptionnelle de la langue arabe, il a traduit des oeuvres aussi magistrales que Les Opinions des habitants de la Cité vertueuse d’Al-Farabi (Albouraq, 2011), et De la nature du despotisme d’Al-Kawakibi (Albouraq, 2020). Installé aujourd’hui à Paris, il poursuit ses réflexions et ses travaux dans le domaine de la philosophie.